[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Publié le 23 octobre 2011 à 05h00 | Mis à jour le 23 octobre 2011 à 05h00
La chasse ouvre, les entreprises ferment...
Johanne Fournier et Gilles Gagné, collaboration spéciale
Le Soleil
(Matane) Pendant que des milliers de chasseurs investissent les forêts gaspésiennes, certains entrepreneurs doivent composer avec un haut taux d'absentéisme de leurs employés. Pour plusieurs, cette situation entraîne une diminution de production. Mais pendant cette même période, certains commerces font des affaires d'or, quasiment comparables à la période des Fêtes.
Le nombre d'ouvriers qui prennent des vacances pour pratiquer la chasse est tel qu'il entraîne la fermeture de plusieurs chantiers. En Gaspésie, dans le secteur des Plateaux de Matapédia, le promoteur Invenergy, qui voit présentement à la construction d'un parc éolien de 330 millions $, doit s'adapter.
«Le chantier du projet Le Plateau est arrêté pendant la chasse. Il a aussi été fermé durant la semaine de chasse à l'arc le mois dernier», précise Frits de Kiewit, porte-parole d'Invenergy.
Il s'agit de permettre aux travailleurs de la construction de pratiquer leur passe-temps favori et d'assurer la sécurité du chantier situé au coeur de la forêt publique. On parle d'un gros projet. «Ces derniers mois, nous sommes constamment autour de 400 personnes sur le chantier», ajoute M. de Kiewit.
Il en est tout autant du côté des parcs éoliens du Lac-Alfred dans la Matapédia ainsi que de ceux de Gros-Morne et de Montagne sèche, situés sur des terres publiques de Petite-Vallée et de Cloridorme, qui engagent, à eux trois, au-delà de 500 personnes.
«On ferme pendant la chasse à l'orignal», confirme le directeur des affaires publiques de Cartier Énergie. «C'est un engagement auprès de nos communautés parce que, pour elles, la chasse occupe une place importante.» Luc Leblanc admet aussi que, comme les éoliennes sont situées en territoire de chasse, il est convenu de ne pas perturber l'activité des chasseurs, à moins de panne des turbines.
Du côté de Verreault Navigation, qui engage une centaine de personnes aux Méchins, il y a tellement de chasseurs au sein du personnel que l'entreprise a instauré une alternance afin de donner la chance à un certain nombre de travailleurs de s'absenter pour leur activité de prédilection.
Mais cette année, comme le chantier maritime manque de contrats, tous ceux qui veulent aller à la chasse ont eu le loisir de le faire.
«Dans certains cas, si je refuse de leur donner un congé, ils m'arrivent avec un papier du médecin pour congé maladie, déplore Denise Verreault. C'est à se demander si les médecins ne sont pas corrompus.»
Pour sa part, Méridien Maritime était aux prises, cette semaine, avec une diminution de 25 employés sur les 180 que compte le chantier naval de Matane.
«J'ai toujours respecté ça», laisse tomber le président, Angello Marcotte. «Ça fait partie de la culture. Je planifie en conséquence. C'est un avantage concurrentiel qu'on offre à nos employés qui seraient tentés par le Plan Nord, qui ne leur permettra pas ça.»
Maurice Quesnel, directeur de la Chambre de commerce de la MRC de Bonaventure, voit un autre
secteur accélérer ses activités pendant que la construction et le secteur du sciage ralentissent.
«C'est très bon dans le commerce de détail. Les gens gardent de l'argent et du temps de vacances pour la chasse. Les dépenses en épicerie, en carburant, en bière et à la Société des alcools sont en forte hausse.
Les magasins de sport en profitent aussi, ne serait-ce que par la vente de permis. Il y a beaucoup de monde de l'extérieur. Ça dure d'un mois et demi à deux mois», dit-il. «C'est un réel problème pour des entrepreneurs, notamment dans le secteur de la construction, qui s'empêchent parfois de prendre des contrats pendant la chasse», poursuit le directeur de la Chambre de commerce Haute-Gaspésie, Danny Pelletier.
«Les gars ne sont pas négociables. Mais les dépanneurs, épiceries, stations d'essence et boutiques de sport roulent à plein!»
Bières et pin-up
Même discours du côté du président de la Chambre de commerce, région de Matane.
«Plusieurs entreprises se retrouvent au ralenti, mais ça génère un nombre important de touristes», croit le président, Richard Godbout. «La chasse ne crée pas d'impact négatif, puisque plusieurs travailleurs prennent leurs vacances pendant cette période.»
Le propriétaire du Dépanneur du Lac de Matane ne s'en plaint pas. «En 30 ans d'existence, le premier vendredi de la chasse a été, cette année, ma meilleure journée à vie après la veille de Noël, s'enthousiasme Pierrot Fortin. Mes ventes ont augmenté de 15 % de plus par rapport à l'an dernier.»
Depuis 20 ans, le commerçant mène une campagne publicitaire pour attirer cette clientèle et leur offre des promotions. «Chaque chasseur qui achète une caisse de 24 bières reçoit un calendrier de femmes nues, précise l'homme d'affaires. Cette saison, j'en ai distribué environ 2000.»
Sur sa page Facebook, il invite aussi les chasseurs à venir tourner sa roue gagnante pour courir la chance de gagner des casquettes, des couteaux, des scies, des lampes et d'autres articles de chasseurs.