[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]La chasse au caribou en hélicoptère n’est pas du tout ce que certains s’imaginent... à savoir tirer depuis les airs. En fait, l’hélicoptère nous permet simplement de repérer un troupeau et de nous en approcher. C’est une aventure exaltante où il faut être prêt à subir le froid intense du Grand Nord québécois.
Quand je suis descendu de l’hélicoptère le 18 décembre, j’ai craint le pire.
Le thermomètre de l’appareil indiquait moins 35 degrés, mais il n’avait pas calculé le fameux facteur vent. Pas chaud pour les grelots dans ces rafales très puissantes, au bout de ce plan d’eau perdu à environ 100 kilomètres au sud de LG-4. Ça doit être ici qu’a été inventée l’expression « attache ta tuque avec de la broche ».
Dès les premiers instants, nous nous sommes séparés et je suis parti seul vers le nord. Denis, Maurice et le guide Billy sont partis vers l’est alors qu’André est resté près de l’hélico avec le pilote, Jean-Philippe Fortin.
La première fois que quelqu’un te parle d’utiliser un hélicoptère pour chasser le caribou, tu ne peux pas t’empêcher d’imaginer l’appareil poursuivre un troupeau et un tireur qui, du haut des airs, s’en donne à cœur joie. Certains l’ont peut-être déjà fait, mais c’est loin d’être le cas lorsqu’on retient les services de l’appareil à la pourvoirie Mirage, près de LG4 à la Baie-James.
D’abord, cette pratique est tout à fait interdite et elle serait même difficilement applicable. Dès qu’ils entendent le bruit du moteur de l’hélico, les caribous deviennent craintifs et, en course, ils quitteront rapidement les espaces découverts. On a pu le constater même en étant encore très loin d’eux.
Le survol doit être haut et stratégique et lorsqu’au loin on peut apercevoir une harde de caribous, dès lors, le pilote cessera de s’approcher. Il faut contourner subtilement le secteur et aller atterrir à un, deux ou trois kilomètres plus loin afin de commencer à chasser à pied, soit marcher vers l’endroit où on les a vus en souhaitant qu’ils y soient encore.
Sloche lourde
Je voulais me rendre près d’une île que j’avais localisée alors que nous étions encore dans les airs parce que j’y avais vu une dizaine de caribous de l’autre côté, mais je doutais d’être capable d’y arriver. À certains endroits, la neige était épaisse alors qu’à d’autres, elle recouvrait de la gadoue, de la sloche lourde qui gelait presque instantanément à mes bottes.
Je me sentais comme un gars de 300 livres et le blizzard me cassait le moral. À 55 ans, je n’avais jamais connu un froid aussi intense. Toutes les deux minutes, je devais m’essuyer les yeux, la seule partie découverte de mon corps, afin d’enlever la glace qui se formait sur mes cils.
Droit de rêver
À environ 200 mètres de l’île, je me suis arrêté. Décision guidée par mon instinct, mais surtout parce que j’en avais assez et j’ai décidé de m’installer en attente, dans l’espoir que les caribous contournent l’île en sens inverse et qu’ils se présentent face à moi. On a le droit de rêver.
J’ai creusé dans la neige avec mes pieds et je me suis fait un trou dans lequel je me suis placé à genoux en me jurant que je ne bougerais pas avant 30 ou 45 minutes.
Un grand frisson m’a parcouru le dos jusqu’au cerveau en réalisant d’un coup qu’à ma droite, je ne voyais plus mes compagnons. Je ne pouvais pas non plus apercevoir le lopin de terre d’où j’étais parti et, surtout, je ne pouvais même plus discerner mes traces dans la neige parce que les rafales les avaient entièrement effacées. Pas de soleil pour me guider, un seul repaire, l’île en face de moi. Je n’étais pas gros dans mes bobettes.
Quelques instants plus tard, j’ai souri dans ma cagoule en me rendant compte que j’attendais les caribous comme un acharné, mais que j’avais oublié de loger trois balles dans ma 30-06. Pas fort.
Quand j’y pense aujourd’hui, je n’en reviens pas encore que les caribous aient emprunté le trajet que j’avais imaginé et qu’ils me soient apparus après une attente d’environ une heure. Lorsque j’ai vu le premier contourner l’île, je me suis essuyé les yeux, mais, cette fois, ce n’était pas pour enlever la glace, mais bien pour m’assurer que je ne rêvais pas.
Parties vitales
Le premier était beau, mais je savais que c’était l’éclaireur et qu’en tirant un coup de feu j’aurais effrayé ceux qui suivaient. Quelques minutes plus tard est arrivé ce beau gros panache tout en hauteur. On aurait dit qu’il sortait d’une peinture. J’ai attendu qu’il soit de côté pour bien tirer dans les parties vitales, tout juste derrière l’épaule. C’est chiant, mais légal.
Il s’est produit quelque chose de bizarre. La croix de mon télescope était au bon endroit, j’étais stable et certain de mon coup. Je suis un bon tireur expérimenté. Toutefois, le coup a été totalement raté. Je n’ai même pas touché à la bête. J’ai même cru que mon télescope avait été désajusté.
Je me suis replacé et j’ai visé de la même façon, au même endroit et, cette fois, la bête est tombée sur le coup. On m’a expliqué au retour qu’au premier tir, le canon de ma carabine était gelé et que le projectile a dévié de sa course normale.
Échappé mes balles
J’ai abattu le deuxième cinq minutes plus tard. Il était un peu plus petit, mais je le trouvais beau. En fait, je l’ai choisi parmi le groupe de six ou sept spécimens parce que c’est lui qui avait les plus belles fesses.
Et oui, j’ai retrouvé mon chemin. Je suis revenu à l’hélico presque en même temps que Maurice et Denis qui, de leur côté, en avaient abattu trois.
En rechargeant ma carabine, j’ai échappé toutes mes balles dans la neige. Et enlever un gant pendant une seule minute à cette température, c’est toute une aventure. Deux mois plus tard, mon pouce droit n’a pas encore retrouvé toute sa sensibilité.
Deux tentatives
On a trouvé les caribous pendant notre deuxième essai en hélicoptère. Pendant la première tentative, nous avons dû redécoller et chercher ailleurs parce qu’une fois au sol, après avoir traversé un grand plan d’eau à pied, nous avons constaté que le gibier n’y était plus.
Le plus rigoureux relativement aux règles est certes notre pilote, Jean-Philippe Fortin de la compagnie Panorama. Leur travail est en jeu et les mises au point sont nettes et très claires avant même le décollage. Pas question d’utiliser l’appareil pour chasser, poursuivre ou déplacer les caribous et c’est non négociable.
L’utilisation de l’hélicoptère n’est pas toujours requise. Lorsque les troupeaux, dans leur migration, sont à une distance raisonnable de la pourvoirie, on utilisera des camions ou des motoneiges pour s’en approcher. Toutefois, lorsque l’on sait avec une presque certitude qu’il sera impossible de les voir à moins de 70 ou 100 kilomètres sur un territoire sans route, ni sentier, l’hélico, même à 1 800 dollars de l’heure, devient un outil intéressant.
Si vous pensez carnage, vous êtes dans le champ.
Maintenant, est-ce que ça vous tente de nous accompagner dans cette aventure ?
« Huit chums à la découverte de la chasse au caribou à la Baie-James. » C’est un peu long comme titre, mais quand même…