à LoneWolf:
Je ne vois absolument aucun motif d'ordre biologique pour favoriser un type d'arme au détriment d'un autre. En fait, la seule raison d'être de la chasse avancée ou prolongée avec des engins archaïques (arc, arbalète, poudre noire) est d'ordre économique.
En promulguant ces engins le ministère de la chasse visait les objectifs suivants:
1) accroître le nombre des journées d'excursion de chasse,
2) accroître les retombées économiques de la chasse pour l'état.
A l'article # 2 tu peux inclure la multiplication des types de permis de chasse, ainsi que les revenus de TVQ qui frappent la pléthore des bébelles et équipements reliés aux 3 engins cités plus haut.
L'argument-choc était le caractère "sportif" de la chasse aux engins archaïques et la soit-disant difficulté accrue d'abattre le gibier par ces moyens.
Entre temps ce prétexte est battu en brèche par plusieurs facteurs:
a) les carabines à la poudre noire les plus utilisées sont de loin celles du type "in-line". Elles sont munies de lunettes et tirent des projectiles dont les propriétés balistiques sont sans rapport avec le romantique Kentucky rifle d'antan. En fait, aux distances de chasse usuelles, ces armes sont aussi efficaces que les carabines modernes.
b) la pratique de l'arc à poulie est d'office sans rapport avec celle du long-bow. Je crois pouvoir l'affirmer puisque je tirais les deux au début des années 70. Je ne fais même pas allusion aux progrès considérables qui ont été franchis par les fabricants d'arcs à poulie modernes en matière d'ergonomie, de facilité d'emploi et d'accessoires.
c) l'arbalète est venue remplacer l'arc à poulie, bien plus qu'elle n'est venue s'ajouter à l'éventail des engins de chasse. C'est avant toute chose l'augmentation de la moyenne d'âge des chasseurs et l'abandon par un grand nombre d'entre eux de l'arc à poulie (pour cause d'arthrite) qui a présidé à l'ajout de l'arbalète en tant qu'arme de chasse. Un avantage significatif de l'arbalète sur l'arc c'est le fait qu'elle autorise l'emploi de la lunette de tir. L'arbalétrier gagne une demi heure au lever et au coucher du soleil par rapport à l'archer.
De façon assez amusante, au cours des années 80, les mêmes fonctionnaires qui ont récemment introduit l'arbalète au Québec honnissaient avec mépris
"cet outil de braconnier par excellence".
d) la pratique de l'appâtage systématique du cerf de Virginie au moyen de salines, de pommes, de carottes et de substances appétentes diverses facilite très largement le tir des cervidés et réduit à néant l'argument de la sportivité de ces outils de chasse.
En fait, pour avoir chassé très activement pendant 9 saisons récentes en Europe, je ne peux pas m'empêcher de faire l'amalgame avec les méthodes d'affouragement du sanglier à coup de tonnes de maïs, de gallons de crud d'ammoniaque et de jarres de bitume.
Ceci dit, entendons-nous bien: je n'ai absolument rien rien contre l'arc, l'arbalète et le fusil à poudre noire (ou au Pyrodex...). Je maintiens simplement que chacun devrait avoir le choix de son arme et que la saison devrait être la même pour tous.
J'en viens à présent à la durée de la saison de chasse et à ton scepticisme quand à l'allongement de celle-ci.
La chasse moderne a pour principal objet l'aménagement de la faune.
Le "fun" du chasseur n'est qu'un épiphénomène, et c'est d'ailleurs celui-ci que les nemrophobes critiquent le plus:
"tuer Bambi, se réjouir de la mort d'une bête innocente, quelle horreur!" Mais aménager la faune ce n'est pas seulement opter pour la loi du mâle entre 2010 et 2013 et le free for all entre 2013 et 2015. Ce n'est pas seulement multiplier les tirages au sort à la Loto-Québec.
C'est avant tout prendre les mesures nécessaire pour atteindre et maintenir l'équilibre entre la capacité de support des milieux et la densité optimale des cheptels d'animaux sauvages. C'est aussi, à l'intérieur de ces cheptels, assurer l'équilibre des sexes et viser une pyramide d'âges garantissant le récolte régulière d'animaux matures, c.a.d. en langage de chasseur: de grands trophées.
En l'état actuel des choses, ces objectifs sont très loin d'être atteints dans la frange la plus densément peuplée de la province de Québec, celle qui justement est la plus propice au cerf de Virginie. L'écueil principal est le morcellement du terrain de chasse:
-un lot à bois moyen représente grosso-modo une quarantaine d'hectares. Or un aménagement faunique significatif nécessite minimalement des parcelles de 700 à 1000 hectares, à l'intérieur desquelles les mêmes modes de gestion et critères de récolte devraient s'appliquer.
-un pas supplémentaire consisterait à gérer de manière similaire à l'échelle régionale, c.a.d. à implémenter les mêmes méthodes de gestion sur des dizaines de milliers d'hectares contigus.
Ces politiques de gestion requièrent des modes de chasse beaucoup plus collectifs que ceux pratiqués actuellement. En effet, si le Charlot du lot voisin ne joue pas le jeu il réduira fatalement à néant les efforts de ses associés.
Gérer de la sorte requiert aussi des plans de tir sélectifs, adaptés aux densités réelles des cheptels et non sur des estimations approximatives.
La compétence des chasseurs devra s'améliorer. L'observation fréquente de la faune et une présence constante sur le terrain de chasse sont nécessaires.
Je ne vois pas en quoi la chasse envisagée de la sorte pourrait déranger les randonneurs, les cueilleurs ou les travailleurs forestiers, d'autant que dans l'état actuel des choses l'accès des deux premières catégories sur les lots privés est généralement interdite et que par ailleurs un chasseur compétent entretient d'office une relation étroite avec les forestiers.
Mon constat personnel, de retour au Québec après 9 ans d'absence, c'est que la chasse s'est gravement détériorée dans la Province. Le tableau de chasse du chevreuil n'est pas un indicateur fiable du futur de l'activité, d'ailleurs il est à nouveau à la baisse.
Le problème le plus crucial est la difficulté et les coûts croissants de l'accès au terrain de chasse.
Ces deux facteurs mettent en péril le futur même de la chasse au Québec, car ils se conjuguent pour décourager la formation d'une relève de chasse issue des grandes villes du Québec. Ils auront pour effet un clivage radical des opinions sur la chasse entre le monde rural et le monde de la ville qui n'est pas sans évoquer chez moi la situation de la chasse en France.
A l'heure actuelle, la location pour quelques semaines d'un lot de chasse de 40 hectares dans ma région coûte entre $ 450.- et $ 600.- . Ramenés à l'hectare, ces coûts dépassent en fait ceux de la location des territoires de chasse en Europe.
Il sont conditionnés au Québec par l'inflation du prix de vente des lots à bois, la déprise généralisée de la vente du bois et l'assiette des taxes foncières basée sur la surévaluation des terres à bois.
Plus grave encore, la pratique de la chasse aux petits gibiers (lièvres, gélinotte, bécasse) est rendue quasiment impossible en raison de l'intolérance des propriétaires et locataires de lots à bois qui n'ont d'intérêt que pour la chasse au chevreuil ou, selon le cas de l'orignal.
Il faut se rappeler que la chasse aux petits gibiers a constitué pour une grande majorité des chasseurs québécois l'entrée principale dans la carrière. La multiplication absolument frappante des affiches interdisant l'accès aux territoires est de très mauvais augure pour le futur de la chasse.
Je constate que j'ai largement dépassé le seul cadre de ma réponse et je présente mes excuses à ceux que la lecture de mon texte pourrait ennuyer. Le fait d'avoir chassé dans l'Ouest canadien et dans plusieurs pays d'Europe a laissé chez moi des empreintes et une vision différente des choses.
https://www.youtube.com/watch?v=O99iYo9L1vk