La liberté d'expression, garantie par les Chartes, ne sera pas remise en question par le gouvernement Legault, du moins pas à court terme.
Dans une entrevue à La Presse canadienne, plus tôt cette semaine, le premier ministre François Legault a dit renoncer à son projet de modifier la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, ne voyant plus l'urgence d'empêcher des leaders religieux extrémistes de propager leur idéologie, au mépris des valeurs québécoises.
Dans un premier temps, il mise plutôt sur son futur « test de valeurs » imposé aux immigrants pour faire fuir les extrémistes religieux.
Une modification législative à la Charte québécoise des droits visant à bâillonner les extrémistes aurait pour effet de restreindre la liberté d'expression, un droit fondamental.
C'est pourtant ce que réclamait M. Legault en février 2015, quand il était dans l'opposition, pressant le gouvernement Couillard d'amender la Charte des droits, en vue d'interdire les prêches de groupes ou individus extrémistes prônant des valeurs allant à l'encontre de la société québécoise.
« Tout ce qui traîne se salit », affirmait alors M. Legault, dans une conférence de presse à Québec en février 2015, exhortant le gouvernement Couillard à intervenir de toute urgence par voie législative, même si le Québec s'exposait ainsi à voir sa loi contestée devant les tribunaux.
Sa sortie survenait alors qu'on apprenait, début 2015, que plusieurs jeunes Québécois, dont quatre étudiants du collège de Maisonneuve, à Montréal, étaient partis rejoindre le groupe État islamique en Syrie. Certains jeunes suivaient des cours sous la supervision du prédicateur Adil Charkaoui.
Ce dernier louait des salles de classe au collège de Maisonneuve pour y tenir les activités de l'École des compagnons, un organisme affilié au Centre communautaire islamique de l'est de Montréal.
Chasse aux « fanatiques »
Les 17 et 18 février 2015, M. Legault avait convoqué deux points de presse à l'Assemblée nationale pour lancer la chasse aux « fanatiques » et aux « radicaux », faisant référence aux islamistes intégristes.
Ses intentions étaient alors sans équivoque : « S'il y a des groupes qui veulent prêcher à répétition le déni des valeurs québécoises qui sont dans la Charte des droits et libertés de la personne au Québec, ça devrait être interdit », déclarait-il le 17 février.
Le lendemain, il en rajoutait : « Je persiste et je signe. Je crois que les Québécois souhaitent que leur premier ministre mette des balises pour empêcher des radicaux de venir prêcher systématiquement le dénigrement des valeurs comme l'égalité entre les hommes puis les femmes ».
On devait agir, ajoutait-il, même si cela venait « en contradiction » avec le principe de liberté d'expression.
En entrevue à Paris en début de semaine, questionné à savoir s'il était prêt à répéter ses affirmations passées, M. Legault a tenu un discours plus nuancé.
La lutte à l'intégrisme religieux ne fera donc pas partie du projet de loi que doit déposer dans les prochaines semaines le ministre Simon Jolin-Barrette en vue d'interdire aux employés de l'État en position d'autorité (policiers, juges, gardiens de prison, enseignants) de porter des signes religieux.
Mais « il n'y a rien d'autre de prévu » de la part du gouvernement, sur le plan législatif, pour encadrer l'expression de la religion, a indiqué le premier ministre.
« À l'époque, ajoute-t-il, il y avait quelques cas (de prêche extrémiste), actuellement il n'y a pas de cas. Donc on n'a rien de prévu. »
Pas d'intervention « pour l'instant »
Il croit que l'adoption de sa loi sur les signes religieux sera suffisante pour éviter les « dérapages » ou autres manifestations d'intolérance.
Parallèlement, les discussions se poursuivent avec le gouvernement fédéral pour imposer aux immigrants québécois un test de français et un test de valeurs.
À ses yeux, ce test de valeurs constituera « un signal assez fort » transmis à ceux qui chercheraient à importer des coutumes peu compatibles avec celles de la société québécoise.
Bref, son message à ceux qui veulent immigrer au Québec est le suivant : Si vous n'avez pas les mêmes valeurs que les Québécois « peut-être que c'est mieux de ne pas venir au Québec ».
Chose certaine, soutient mordicus M. Legault, « on ne souhaite pas au Québec avoir des gens qui viennent prêcher contre nos valeurs, ou même être en désaccord avec nos valeurs ».
Si son test de valeurs ne suffit pas à éloigner les indésirables, il sait qu'il a toujours la possibilité d'intervenir de façon plus musclée au cours des quatre prochaines années. Ce ne sera pas tout de suite, mais rien n'est exclu.
« Pour l'instant, je ne vois pas l'utilité » d'aller plus loin, conclut-il.