[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Publié le 04 novembre 2011 à 09h27 | Mis à jour le 04 novembre 2011 à 09h27
Brûler 2 G $
Myriam Ségal
Le Quotidien
J'ai fait du ménage dans ma garde-robe des surplus. Des vêtements obsolètes, des bottes usées que je gardais «au cas où», des gants orphelins, des vestes enfantines au «zipper» démoli, ou trop petites... Ce rituel me crève le coeur. Quel soulagement de faire de la place, de balayer le superflu! Mais... Chacun de ces morceaux m'a coûté temps et travail, n'est souvent pas si usé que ça, porte des souvenirs... Et si j'en avais un jour besoin? Le même sentiment paradoxal me trouble au sujet du registre des armes à feu que le gouvernement fédéral «scrappera» partiellement.
Stephen Harper a désactivé le registre depuis 2006, en accordant une amnistie systématique aux propriétaires de fusils et carabines qui y dérogent. Il a tenté trois fois d'en retirer les armes d'épaule. Majoritaire, il peut enfin le faire.
Pour avoir une arme de chasse, il faut suivre deux cours pour obtenir un certificat de chasseur. Puis, il faut un permis de possession et acquisition de la GRC pour se procurer une arme ou des munitions. Le vendeur note le numéro du permis de l'acquéreur. La GRC peut pousser les vérifications au-delà du questionnaire rempli aux cinq ans, qui exige détails, répondants, photo. Les propriétaires d'armes restent donc fichés en tout temps, plutôt deux fois qu'une. On perd seulement la nomenclature de leurs armes, déjà atrophiée depuis cinq ans. L'enregistrement des armes de poing, lui, continue.
Détruire
Harper tient parole. Mais sa politique de la terre brûlée fait sourciller: il fera incinérer les dossiers, détruira toutes les données du registre des armes d'épaule. Il empêchera ainsi son successeur de faire marche arrière. Mon petit coeur de contribuable saigne. Deux milliards de dollars aux poubelles, flambés! C'est comme le manteau trop grand que j'ai payé 300$ il y a un an, et que j'ai liquidé, pour me convaincre de ne pas grossir...
Le gouvernement du Québec, en quête de diversion, crie au scandale. Il voulait reprendre le flambeau, récupérer les données, continuer les tracasseries administratives qui persécutent les agriculteurs et chasseurs. «Le quart du registre a été payé par les contribuables québécois, cela nous appartient», clament en choeur les partis à l'Assemblée nationale.
Raisonnons un peu: le registre, désactivé depuis cinq ans, n'est plus à jour, plus fiable. Québec devra de toute façon revoir toutes les données, repartir à zéro.
Monstre administratif
En 2009, il n'y a jamais eu aussi peu de crimes par armes de chasse. Pourtant, le registre n'était plus fonctionnel depuis quatre ans.
Ni Denis Lortie, ni Kimv**r Gill, ni Marc Lépine ne se sont servis de fusils de chasse pour leurs crimes. Pourtant, on a créé ce monstre administratif en réaction aux gestes déments de deux de ces cinglés.
Les fusils qui ont servi à des meurtres, comme celui du rang Saint-Martin, étaient dûment enregistrés. Cela fait une belle jambe à la victime!
Nous, contribuables québécois étouffés par les taxes et les impôts, désirons-nous vraiment la création d'un nouvel organisme de contrôle, d'un nouveau monstre informatique, de nouveaux bureaucrates, de nouveaux contrats aux coûts explosifs? «Les chasseurs paieront», nous diront les politiciens. On nous a déjà fait le coup au fédéral...
Enfin, si Québec tient un registre, mais pas l'Ontario, ni les Maritimes, les chasseurs pourront acheter leurs armes dans les autres provinces, évitant frais et tracasseries. Combien de fonctionnaires faudra-t-il pour contrer cette nouvelle évasion fiscale ou négocier des ententes bilatérales?
Les policiers ne pourront pas se fier aux données informatisées. Ils ne peuvent déjà pas présumer que le détenteur d'armes les a toutes déclarées. A fortiori, si les autres provinces ne contrôlent plus les armes!
Je me résigne: ce fut un formidable gaspillage.
Même si cela crève le coeur, il faut détruire ce registre. Comme j'ai libéré, le coeur serré, mon armoire au superflu.
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