Stéphane Larouche, entraineur de Lucian Bute et qui entraine et conseille GSP à l'occasion, s'exprime sur le combat de samedi dernier:
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Depuis la fin de son combat, on m’a beaucoup parlé des troubles de mémoire vécus par Georges St-Pierre. À ce sujet, je peux établir un parallèle avec quatre ou cinq boxeurs que j’ai côtoyés.
Dans tous ces cas, les athlètes avaient gagné leur combat et ça concerne tous des athlètes du même type que GSP. Je parle ici de combattants qui aimeraient mieux mourir que perdre.
Oui, je présume qu’il y a une sorte de choc ou de commotion qui est rattaché à cela. Dans mon exemple, les athlètes sont parvenus à gagner après avoir encaissé des coups très solides ou des chutes au tapis.
J’en suis donc venu à penser qu’une partie ou une période de la mémoire flanche quand l’instinct de survie prend le dessus dans un combat.
Ce phénomène arrive aux plus grands qui veulent absolument gagner et qui sont prêts à tout laisser sur la table. J’ai remarqué ce phénomène dans de tels moments. Par exemple, j’ai vu des athlètes aller au plancher deux fois dans le premier round, se relever et gagner sans se rappeler où ils étaient ou comment ils étaient arrivés à l’amphithéâtre, mais ils avaient gagné leur confrontation.
Je ne peux pas dire que ça m’inquiète particulièrement parce que les athlètes auxquels je fais référence se sentent très bien aujourd’hui. Bien sûr, c’est un choix que tu fais de te diriger dans ce type de sports et je ne dis pas que c’est sain pour le corps humain.
En ce qui concerne l’avenir de Georges, ce n’est pas mon rôle de lui conseiller d’arrêter ou de continuer. Il vient dans mon gymnase deux heures quelques fois par semaine et mon but demeure de faire de lui un meilleur boxeur même si on échange sur plusieurs sujets à propos de sa carrière. Ceci ne m’empêche donc pas de l’aider s’il me demande des conseils.
Ce qui est un peu dommage, c’est que dès que les gens ont une chance de rabaisser quelqu’un qui est au sommet, ils vont en profiter terriblement. Les gens sont fiers des athlètes qui ont autant de succès, mais aussitôt qu’ils laissent planer un doute ou qu’ils s’enfargent un peu, on aime vraiment leur « piler » dessus.
C’est plate !
Quand tu as passé plus de cinq heures à te battre dans un octogone et qu’on réfléchit à la dureté de ce sport, personne ne peut mettre en doute le rôle que tu as joué dans l’essor de cette discipline et à quel point tu as été grand pour ce sport.
Ensuite, je trouve ça vraiment dommage qu’il y ait une sorte de trahison de la part de son promoteur Dana White. C’est vrai que le UFC leur appartient, mais je trouve cela désolant après tout ce qu’il a accompli pour ce sport. C’est décevant de voir à quelle vitesse il peut le mettre dans la poubelle malgré tous ses exploits.
Je peux vous assurer que si l’un de mes boxeurs avait vécu quelque chose de similaire, j’aurais trouvé cela très difficile.
Georges St-Pierre et Johny HendricksJ’avais Georges comme gagnant
En ce qui concerne sa performance dans l’octogone, je n’apprends rien à personne en disant que ce fut son combat le plus éprouvant en carrière. Étant donné que j’ai eu la chance de beaucoup travailler avec lui et son entraîneur Firas Zahabi, j’ai regardé ce duel avec le regard d’un conseiller.
Ainsi, je connaissais la stratégie établie et les aspects dont Georges devait se méfier. Dans l’ensemble, il a assez bien appliqué ce qu’il voulait faire. J’ai vraiment apprécié sa fluidité avec ses poings et il a frappé plus souvent la cible que Hendricks même si ses coups avaient moins d’impact.
Deux jours après le combat, j’ai tweeté des choses que je pensais vraiment pour expliquer la victoire de Georges. Si on décortique le combat round par round, j’ai trouvé que le premier lui revenait, qu’il a certainement perdu le deuxième, que le troisième lui revenait probablement, qu’il a certainement perdu le quatrième et sûrement mérité le cinquième.
Nous ne sommes pas les plus grands connaisseurs en arts martiaux mixtes, mais nous avions trois rounds en sa faveur contre deux. Ce fut précisé à plusieurs endroits, mais ça ne change rien que les deux rounds gagnés par Hendricks l’aient été de façon plus dominante que ceux remportés par GSP.
Tant que les critères ne seront pas changés, c’est ainsi que c’est jugé. D’ailleurs, on vit la même chose à la boxe alors que tout le monde se chicane pour qu’on récompense davantage les rounds qui se concluent plus en la faveur d’un combattant.
Ce débat revient donc aux dirigeants des sports pour établir les critères.
À notre avis, c’était clair qu’il avait gagné et tout s’est joué au premier round sur la carte des juges. En fait, un seul juge n’a pas donné pas le premier round à Georges. C’est donc dire que nous étions près d’une décision unanime même si celle-ci aurait été très serrée.
Le souhait de Roach, pas un désaveu
Pour être honnête, je n’étais pas au courant du souhait de Georges de pouvoir compter sur l’entraîneur Freddie Roach dans son coin s’il dispute un autre combat. Je n’ai pas discuté de ce sujet avec Georges même si on s’est parlé encore mercredi alors qu’il voulait me remercier pour ma contribution à sa préparation.
Sans le travail qu’on a fait, il aurait difficilement pu gagner ce combat puisque la boxe a eu un impact énorme dans le duel.
Georges n’a pas été en mesure de tout accomplir ce qu’il désirait dans l’octogone et on vise souvent la force supérieure de Hendricks pour expliquer cela. À mon avis, j’ai plus l’impression que Hendricks appartient à une catégorie de poids supérieure. Généralement, Georges est extrêmement puissant parmi les 170 livres et c’est surprenant de voir à quel point Hendricks peut être si dominant avec tout le poids qu’il perd avant un combat. C’est très impressionnant.
Je ne percevrais pas du tout la présence de Roach (sur la photo avec Manny Pacquiao) dans le coin de GSP comme un désaveu envers moi. En fait, je ne voudrais même pas être dans le coin d’un athlète d’arts martiaux mixtes pour un combat. J’aurais peur de nuire dans un certain sens parce que mes réflexes d’entraîneur de boxe pourraient parfois devenir dangereux. Freddie Roach et Manny PacquiaoJe dis cela parce que c’est l’ancrage des pieds qui permet à un boxeur de frapper plus fort que dans un combat UFC. On peut le faire parce qu’on n’a pas à se soucier des jambes de l’adversaire.
Vous comprenez que les combattants ont une dimension de plus à gérer avec la menace des coups de pieds ou de genoux. Je n’ai pas les connaissances pour identifier ce que l’opposant veut ou peut accomplir avec ses jambes. C’est pourquoi Firas m’aide beaucoup à ce sujet pendant la préparation en m’indiquant de quelle manière et à quel moment on peut lancer les coups que nous allons élaborer. Il m’explique les forces de l’autre, les choses à éviter, ce qui pourrait être désavantageux comme situation…
De plus, lors de la minute de repos pendant laquelle le combattant doit récupérer, les hommes de coin doivent le conseiller sur tellement de disciplines différentes que je me verrais mal lui dire de ne pas oublier son jab. Je ne crois pas qu’il ait besoin de moi pour lui rappeler cela et il l’a justement utilisé à volonté durant son affrontement à Las Vegas.