Mince... Je viens de me relire, et j'en ai mis des tonnes...
J'espère néanmoins que cela vous intéressera et contribuera au débat.
Sinon, pardon pour pour la longueur...
Réduction des commandes initiales. Dépassements de budget. Etalement dans le temps.
Cela semble être la triple peine de bien des nations occidentales qui les enferme dans une spirale dont il est ensuite difficile de s'extraire :
1/ On réduit le budget. Donc les commandes (parce que les charges de fonctionnement -lire "salaires"- sont difficilement compressibles).
2/Ce faisant, le prix unitaire explose, puisque la R&D ainsi que les outillages doivent être amortis sur de plus petites séries.
3/ Comme cela semble unitairement cher, on étale les commandes dans le temps. Ce qui ne peut que contribuer aussi à la hausse des coûts, puisque maintenir un outil industriel à une cadence de production inférieure à celle pour laquelle il est dimensionné coûte plus cher. Sans oublier le retour de l'inflation qui va encore augmenter le coût des exemplaires "tardifs".
Je me suis à ce propos toujours demandé si lors des discussions budgétaires, il ne serait plus utile d'envisager le problème par l'autre bout en calculant le surcoût en fonction de l'étalement et de la réduction de commande. Je ne serais pas surpris que l'on réalise que s'il n'était plus considéré comme "nécessaire" de commander 1.500 chars Leclerc (
objectif initial), il s'avère qu'il y aurait eu un "point d'équilibre" à un nombre supérieur aux 406 exemplaires finalement commandés ?
C'est d'ailleurs pourquoi certaines voix se font entendre pour penser « autrement ». Par exemple, de raccourcir la durée de vie des équipements lourd et chers (avions, chars,...). Très schématiquement :
- En réduisant celle-ci de 35 à 15 ans, on peut ensuite offrir sur le marché de seconde main des avions à 1/3 du prix initial (
ce qui donc fait baisser le coût final d'acquisition d'un tiers).
- Mais comme il faut qu'il reste « au top » pour être attractif, on partage les coûts de remise à niveau d'équipement avec les clients. Ce qui réduits d'autant l'impact de la R&D des innovations qui vont équiper ces appareils comme les "nouveaux".
- L'armée a du matériel toujours récent, ce qui réduit d'autant les coûts d'entretien de matériels à bout de souffle, toujours faramineux.
- Sans compter que cela permet de faire tourner les chaînes de production à un rythme rentable (
mini 11 avions par an pour le Rafale, alors que des années durant les commandes annuelles ne dépassaient pas 8 exemplaires... ).
- L'industrie de défense (
la fameuse BITD) reste compétitive et source de profit à l'export, de locomotive pour les R&D des applications civiles, tout en générant ainsi des rentrées financières intéressantes pour le pays.
D'un point de vue économique, cela se tient. Au moins autant que la sous-traitance au privé.
A LA CONDITION EXPRESSE que les contrats soient bien rédigés, et n'offrent pas des marges injustifiées aux industriels et prestataires de service.
Un de mes copains qui a vendu de la MCO des années durant m'expliquait que c'était un marché certes difficile (
pour parvenir à la signature des contrats), mais ô combien rémunérateur !
Car il semble malheureusement y avoir un tropisme qui fait que tout ce qui est "militaire" est plus cher. Certes cela doit être « solide » et résister à des contraintes d'utilisation drastiques. Pourtant...
J'oserai faire là un parallèle avec certains équipements d'aviation sur le segment de l'aviation « basique ». On retrouve des équipements identiques dans les avions « certifiés » et ceux de construction amateur.
Mais du fait d'avoir dû supporter le processus de certification, celui-ci est proposé avec un coefficient multiplicateur plus que « confortable ». J'admets qu'il y a un surcoût.
Mais si le fabriquant parvient à sortir les instruments « expérimentaux » 4 fois (
ou plus...) moins cher, c'est bien qu'ils ont un prix de revient très inférieur. Car je doute de l'altruisme des équipementiers, et suis convaincu qu'ils conservent une marge sur ces équipements aussi.
Je ne dois pas être trop loin de la réalité lorsque je lis cet excellent article de "Méta-Defense"
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] On note d'ailleurs dans un autre article (https://meta-defense.fr/2023/05/23/lus-air-force-ne-veut-pas-reproduire-les-erreurs-du-programme-f-35-avec-le-programme-ngad/ ) les propos de Shay Assad
(ancien négociateur en chef des programmes d'armement du Pentagone) qui cite des exemples pour le moins stupéfiants :
En 1990, un missile Stinger coutait 25.000 $ à l’US Army, alors que Raytheon facture désormais 400.000 $ par missile (
S. Assad est bien placé pour en parler, ayant été aussi Vice-Président de Raytheon... ).
Le missile Patriot a vu son prix à se point croitre que selon Shay Assad, l’US Army aurait du recevoir l’équivalent d’une année de production de missiles pour simplement compenser les écarts de prix injustifiés tarifés par Raytheon. Re-
Un distributeur d’huile acheté par la NASA à 378 $ l’unité, est vendu au Pentagone pour 10.000 $ par son fabriquant...
C'est à se demander si finalement, le Ministère des Forces Armées Canadiennes ne devrait pas continuer à laisser les soldats acheter leur propre matériel...
quitte à les rembourser ensuite !
Car les soldats ayant peu de moyens, ils vraisemblable qu'ils choisissent des équipements avec un rapport qualité-prix qu'aucun ministère de la défense d'un quelconque pays « occidental » n'atteindra jamais ?
Plus sérieusement, c'est tout un système qui doit être remis en cause. J'ai souvenir lorsque je faisais ma « PMS », d'avoir vu des camions tourner toute la journée au ralenti. Car « si on n'utilise pas notre allocation d'essnce, le ministère nous la réduira l'année prochaine ». Certes, il s'agissait d'une période (
fin des années 80) où la menace du Pacte de Varsovie pesait encore lourdement sur les schémas intellectuels.
A cette gabegie ont succédé directement les réductions drastiques de moyens et budget. La défense (
par principe « inutile » aux yeux de beaucoup) étant alors le plus simple à retenir comme « variable d'justement » pour les restrictions budgétaire. Normal, un soldat cela ne fait pas grève et est tenu par un devoir de réserve...
« Heureusement »
, le conflit ukrainien a rappelé à nos gentils politiciens que la guerre n'est pas obligatoirement « asymétrique », et que le concept de défense nucléaire n'est efficace que dans certaines situations...
Il va « juste »
falloir qu'ils cessent de sponsoriser à fonds perdus les campagnes de mise en avant de revendications ultra-minoritaires et se concentrent de nouveau sur les tâches régaliennes de la nation, parmi lesquelles la sécurité des citoyens. Au sens large, cela passe par la police, la justice (
et les prisons, pas uniquement les bracelets électroniques...), et la défense.